Formation et régulation en soutien aux équipes en conflit

Auteur

Stéphane Vilain

C’est la double commande d’une équipe en tension qui m’a amené à penser une réponse sur mesure qui finalement s’est révélée opérationnelle et je pense adaptable à nombre de situations de conflits d’équipe.

Un conflit d’équipe et institutionnel

D’une part, ces professionnels regrettaient de ne plus “faire équipe”. Une formation sur cette thématique leur semblait nécessaire pour revenir à cet idéal et mettre un terme aux conflits qui les opposaient depuis des mois, provoquant désaccords quotidiens et réponses incohérentes. Les tensions étaient vives et se traduisaient par un épuisement professionnel important.

D’autre part, ces mêmes professionnels souhaitaient que leur direction engage une régulation d’équipe incluant les responsables hiérarchiques. Cette demande reflétait clairement la volonté de mettre la direction devant ses responsabilités et de régler définitivement les comptes. Quelques réunions “coup de poing” avaient déjà eu lieu, permettant de “s’écharper” de manière organisée, mais sans rien résoudre.

De la commande à la proposition d’intervention

J’ai refusé cette double commande telle quelle. Après réflexion, j’ai proposé une démarche différente, mêlant formation et régulation sans être strictement l’un ou l’autre.

Ancien directeur général d’une association de protection de l’enfance, j’ai souvent tenté de résoudre des conflits d’équipe par des discussions collectives, constatant leur inefficacité et parfois même l’aggravation des conflits. De ces expériences, j’ai appris qu’il est préférable, dans ces situations complexes, de mettre les salariés au travail de manière concrète plutôt que de multiplier les échanges sur le passé.

Pour intégrer les termes formation et régulation dans mon programme, j’ai intitulé l’action “formation/régulation” et découpé la démarche en deux phases.

Des entretiens individuels de diagnostic

La première phase consistait en des entretiens individuels d’environ deux heures, permettant à chacun d’exprimer sa vision du conflit, son historique, et ses répercussions personnelles et professionnelles. Ce temps de déversement des émotions et ressentis a préparé chacun à la seconde phase.

L’intervenant extérieur joue ici un rôle crucial en apportant des interprétations objectives et détachées des affects, souvent différentes du diagnostic initial. Sa neutralité enrichit ces premiers échanges. C’était aussi le moment d’annoncer que la seconde phase serait dédiée à une véritable mise au travail, sans retour sur le passé.

Pour une réalité constructive et partagée

La seconde phase, basée sur les constats des entretiens, visait à engager un travail sur l’organisation, la communication, les missions du service, ainsi que les rôles et fonctions de chacun.

Pour cette intervention, j'avais préparé des mots-clés et thématiques à explorer avec les participants : équipe, faire équipe, cohésion, parentalité, missions, soutien, bienveillance, etc.

La mise au travail a commencé par la recherche et l'acceptation d'une définition commune de chaque terme. Ensuite, nous les avons liés à leur quotidien, les avons analysés un par un, identifié les incompréhensions ou incohérences, et trouvé des solutions acceptables et respectables par tous.

Cette approche pragmatique a permis à chacun de partager sa perception de sa fonction, sa place, sa mission, et de mieux comprendre celles des autres.

À aucun moment, nous n'avons abordé les conflits. Les échanges ont été extrêmement riches, permettant aux professionnels d'identifier des points d'amélioration, des terrains d'entente, et des domaines où respecter les compétences et la place des autres.

Nous avons consigné ce qu'ils ont appelé "une nouvelle dynamique" et convenu de nous revoir pour poursuivre le travail et vérifier la pérennité de cette dynamique. Mais ils savent que cela leur appartient avant tout.

Formation et/ou Régulation

Je n’ai rien inventé de nouveau, mais je souhaitais partager cette expérience et les enseignements tirés.

Les temps collectifs de règlements de compte sont peu utiles lorsque les professionnels sont en colère et souffrent.

Aborder sa place et sa fonction dans une équipe par la mise au travail concrète permet de se détacher des affects et de s’éloigner du conflit.

Sortir d’une zone de tension intense demande d’accepter de perdre, mais pour cela, il faut être certain de gagner quelque chose en retour. Dans ce cas précis, il s’agissait de la reconnaissance et de la connaissance de l’autre, de la confiance en soi et en l’autre, et d’un bien-être au travail retrouvé.